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Gudea

Biography of Gudea

Principal souverain sumérien de ce qu'il est convenu d'appeler la IIe dynastie de Lagaš, Gudea est sans doute l'une des personnalités les plus remarquables de l'histoire ancienne du Proche-Orient. Succédant à son beau-père Ur-Ba'u dont il avait épousé la fille Nin-alla, il a régné sur la cité-État de Lagaš, située au sud du pays de Sumer, entre la période qui a vu l'effondrement de l'empire d'Akkad et celle marquée par la montée en puissance des souverains de la IIIe dynastie d'Ur, soit à l'extrême fin du IIIe millénaire avant notre ère.

L'héritage littéraire et artistique que nous a légué Gudea excède celui de la plupart des autres souverains de Mésopotamie ancienne. La connaissance que nous avons de lui repose ainsi sur plusieurs œuvres d'art et sur le corpus considérable de ses inscriptions officielles,notamment celles rédigées sur deux grands cylindres d'argile et sur une impressionnante collection d'une vingtaine de statues en pierre noire (diorite), dont près du tiers est intact. Ce corpus comporte en outre nombre de figurines, stèles, clous et tablettes de fondation, armes et récipients votifs, etc. Une bonne partie de ces monuments, exhumés lors des fouilles de Tello (l'ancienne Girsu), se trouve aujourd'hui au musée du Louvre. Ils faisaient principalement partie du mobilier des temples des différentes divinités de la cité-État, commémorant ainsi les actes de piété que Gudea multiplia à l'envi.

Bien qu'il n'ait pas été « déifié » de son vivant (comme l'avait été avant lui, pour la première fois dans l'histoire mésopotamienne, le roi akkadien Narâm-Sîn) et qu'il ne se soit attribué que le titre de «prince » (→ EnsÌ) sans jamais recourir à celui, plus hégémonique, de Lugal, Gudea a longtemps été honoré comme un dieu après sa mort, notamment au cours de la période d'Ur III.

Malgré l'incomparable documentation aujourd'hui à notre disposition, mais du fait même de son caractère presque exclusivement «cultuel », nos connaissances sur l'histoire du règne de Gudea restent limitées. Ni sa durée exacte, ni sa place dans la chronologie de cette époque ne sont assurées. Jusqu'à récemment, on pensait que ce souverain avait vécu assez nettement avant Ur-Nammu, fondateur de la IIIe dynastie d'Ur; on estime aujourd'hui qu'il en fut en réalité, au moins en partie, le contemporain. Par ailleurs, si onze noms d'années différents, relevés sur les quelques rares documents d'archives administratives datant de cette époque, peuvent être attribués avec certitude à Gudea, il est vraisemblable en réalité que la durée de son règne a atteint dix-sept ou dix-huit ans. Il est d'ailleurs symptomatique que la plupart de ces noms d'années commémorent la (re)construction de temples ou des actes votifs accomplis en leur faveur, venant renforcer l'image de dévot de ce souverain. Ainsi l'ensemble de la documentation ne donne-t-elle que peu d'informations sur la situation politique ou socio-économique de l'État de Lagaš ou sur les événements qui ont pu se produire à cette époque.

Le seul conflit mentionné, qui n'est d'ailleurs évoqué que de manière incidente dans une inscription (statue B vi, 64-69), concerne une campagne victorieuse contre l'ennemi héréditaire élamite, campagne qui ne fut peut-être menée que dans le sillage du roi d'Ur, Ur-Nammu. En revanche, les textes ne mentionnent quasiment jamais les États sumériens voisins comme Umma (dont l'histoire fut pourtant longtemps étroitement mêlée à celle de Lagaš), Uruk (où régnait Utu-hegal) ou Ur, ni même les Gutis dont la présence devait être encore manifeste dans le Sud mésopotamien à cette époque.

Lorsqu'il est question de relations avec l'extérieur, celles-ci sont presque toujours expliquées par les besoins d'importation de matières premières et d'objets précieux, venant de pays parfois très lointains, pour la réalisation des ambitieux projets de constructions pieuses dont Gudea se fit le promoteur. Puisque ces importations ne proviennent ni de butins ni de tributs, elles ont dû être « payées » sur une base commerciale, mais la question se pose alors de savoir d'où provenait la richesse de Lagaš à cette époque. Ces échanges, qui semblent avoir pu fonctionner dans un cadre qui, du Liban jusqu'à l'Indus, paraît clairement être le reflet de ce qu'avait été l'horizon géographique de l'Empire akkadien, montrent qu'un retour à une certaine sécurité des routes a pu exister à cette époque.

Dans les initiatives pieuses de Gudea, on constate une nette volonté de faire revivre la cité-État telle qu'elle existait antérieurement à la domination akkadienne (époque d'Urukagina) puis aux ravages causés par son effondrement et par les interventions gutis et élamites. Le règne de Gudea semble donc avoir correspondu à une période de paix et de prospérité retrouvées pour Lagaš, ce souverain prétendant ainsi pouvoir se consacrer tout particulièrement à la justice sociale et à l'harmonie de la vie de sa cité-État d'une part, et à ses œuvres de piété d'autre part. Se posant en modèle de roi bâtisseur et dévot plein de zèle envers ses dieux, il entreprit notamment la (re)construction d'une quinzaine de temples rien que dans sa capitale Girsu et d'une dizaine d'autres dans le reste de sa principauté. Dans ce cadre, l'édification à Girsu de l'Eninnu, nom du temple de Ningirsu, divinité tutélaire de la cité-État, constitua vraisemblablement son chef-d'œuvre.

C'est l'achèvement de ce grand temple, malheureusement «raté » par les fouilleurs du site de Tello au xixe siècle et dont il ne reste donc quasiment plus rien, qui a donné lieu à la rédaction d'une longue composition commémorative inscrite sur deux monuments d'argile: les fameux cylindres (A et B) de Gudea (musée du Louvre). Il est à noter d'ailleurs que, d'une façon générale, les inscriptions de Gudea recèlent tellement de détails techniques relatifs à l'architecture et aux techniques de construction, qu'il est très possible que ce souverain se soit lui-même personnellement intéressé et impliqué dans ces entreprises monumentales. Il n'est du coup pas étonnant que deux de ses statues le représentent justement en architecte.

Le long texte inscrit sur deux grands cylindres d'argile, haut chacun d'une soixantaine de centimètres, relate l'entreprise d'édification de l'Eninnu. Le premier cylindre raconte un rêve que fait Gudea, dans lequel la divinité lui annonce que le temple doit être rebâti et lui révèle le plan du bâtiment. Gudea se fait expliquer son rêve et se met au travail, faisant venir artisans et matériaux, parfois de très loin. Le second cylindre rend compte de l'introduction de la divinité dans son temple et de tout le cérémonial d'inauguration. Pour des raisons stylistiques et contextuelles, certains (comme T. Jacobsen) ont pensé que ces deux cylindres appartenaient sans doute à une trilogie, le troisième monument disparu, à placer avant les deux autres, ayant contenu un hymne à Ningirsu et un rappel de l'œuvre accomplie par les prédécesseurs de Gudea. Ce point reste cependant discuté.

On ne sait pas très bien non plus quel usage exact avaient ces cylindres. Ils étaient vraisemblablement montés sur des axes en bois introduits dans les perforations situées au centre de chacune de leurs bases. Ainsi placé dans le temple, le texte qu'ils contenaient et qui s'apparente au genre littéraire des hymnes était peut-être régulièrement récité, chanté ou joué, afin de célébrer et rappeler sans cesse à la divinité les exploits et la piété du souverain dévot. Quoi qu'il en soit, la qualité de la langue de ces cylindres, qui totalisent à eux deux quelque 1 366 lignes, fait de ce corpus un chef-d'œuvre de la littérature sumérienne, ayant valeur de référence pour les sumérologues.

Au total, il est clair que le règne de Gudea, se déroulant dans un climat fondamentalement religieux, a donné une nette impulsion aux « beaux arts » en général (littérature, architecture, sculpture), produisant des œuvres d'une grande perfection, au point que l'on prend souvent cette période pour caractériser ce qu'a pu être un certain «classicisme » de la civilisation sumérienne.

On mentionnera pour finir le renouveau actuel des études sur Gudea, notamment avec la publication récente de deux ouvrages majeurs : l'un consacré à la publication de l'intégralité de ses inscriptions (dont les cylindres A et B), l'autre à une étude exhaustive du matériel archéologique, mettant en rapport textes et représentations figurées.

 

 

Bibliographie : D.O. Edzard, Gudea and His Dynasty, Toronto, 1997. A. Falkenstein, Die Inschriften Gudeas von Lagaš, Rome, 1966. Id., «Gudea », RlA 3, Berlin, 1957-1971, p. 676-679.C. Suter, Gudea's Temple Building. The Representation of an Early Mesopotamian Ruler in Text and Image,  Groningen, 2000.

 

From : B. Lafont, « Gudea », in: Dictionnaire de la civilization mésopotamienne, p. 352-354


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gudea.txt · Last modified: 2017/05/06 17:13 by firth
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